Accord L'Oréal x Kering

Accord L'Oréal x Kering « KERING VEND LE PARFUM DE LA SURVIE ». Article d'Eleonora de Gray, rédactrice en chef de RUNWAY MAGAZINE. Photo avec l'aimable autorisation de Kering.

Il existe une règle d'or dans la gestion des entreprises de luxe, clairement décrite dans presque tous les manuels de PDG sur la gestion des dommages en entreprise :
Lorsque l’argent coule à flot et que votre héritage s’essouffle, vendez le parfum.
De préférence chez L'Oréal.

Et Kering vient de faire exactement cela.

Le 19 octobre 2025, Kering annonçait avec une magnificence quasi théâtrale un « partenariat stratégique » avec L'Oréal, scellant sa division beauté en échange d'un prix de consolation de 4 milliards d'euros. La vente comprenait La Maison du Credo — son seul véritable joyau de la parfumerie de niche — et des licences de 50 ans (oui, cinquante, pas quinze) pour développer et distribuer des parfums pour Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga. Ce n'est pas une simple poignée de main, c'est une reddition assortie de royalties.

Décryptons ceci :
Credo ? Disparu.
Les futurs parfums Gucci ? Fabriqués par L'Oréal.
L'eau de scandale de Balenciaga ? L'Oréal.
Le prochain parfum Bottega Veneta ? Toujours L'Oréal.

Kering sort en effet de sa vanité en espérant que personne ne remarque l’odeur de désespoir qui flotte derrière.

La véritable histoire derrière la sortie de Glossy

Luca de Meo, fraîchement nommé PDG de Kering (un homme doté d'une solide expérience en stratégie automobile et technologique, et pas seulement d'un nom emblématique), a qualifié l'accord d'« étape décisive ». Et il a raison : il arrive très tard. La maison Pinault est en difficulté depuis que François-Henri Pinault a multiplié les coups auto-infligés :

  • L'implosion des relations publiques de Balenciaga (aucune présentation nécessaire),
  • La crise d'identité de Gucci (Alessandro Michele et Sabato De Sarno sont out, Demna Gvasalia est in, et la marque n'a toujours aucune idée de qui elle habille),
  • Une chute libre esthétique générale Cela a attiré des clients de grande valeur – et des investisseurs – vers la concurrence.

Et maintenant, la cloche finale : monétiser le seul bras constamment rentable qui reste — parfums et cosmétiques. Parce que lorsque la haute couture commence à brûler, vous mettez en bouteille ce qui se vend encore et vous le confiez à quelqu'un qui sait comment distribuer le luxe de masse.

LOreal x Kering Nicolas Hieronimus et Luca de Meo 02
Deal L'Oréal x Kering : Nicolas Hieronimus et Luca de Meo
LOreal x Kering Nicolas Hieronimus et Luca de Meo 01
Deal L'Oréal x Kering : Nicolas Hieronimus et Luca de Meo

Ce n'est pas de l'innovation, c'est de la liquidation.

L'Oréal, toujours aussi malin et prédateur dans le monde de la beauté, n'a pas perdu de temps. N'oublions pas :

  • Il a dévoré YSL Beauté en 2008 (après que le groupe Gucci en soit devenu propriétaire).
  • Arraché Parfums Mugler et Azzaro de Clarins en 2019.
  • Acheté Ésope de Natura dans 2023 pour 2.5 milliards $.

Et maintenant Creed — la seule maison avec suffisamment de poids pour s'asseoir aux côtés des autres biens précieux de L'Oréal Luxe comme Lancôme, Armani Beauty et Valentino.

En d'autres termes : lorsque L'Oréal voit un navire couler, il n'offre pas de canot de sauvetage, il achète la cargaison et prend la mer.

Le contrôle des dommages se fait passer pour un partenariat

Le communiqué de presse tente de masquer la situation avec un langage doux : « explorer le bien-être », « libérer le potentiel à long terme », « combiner les capacités d’innovation ».

Translation?
L'Oréal va gagner de l'argent.
Kering trouvera des excuses.

L'argumentaire sur une « joint-venture » dans le domaine de la longévité et du bien-être est une réflexion polie après coup, une façon élégante de dire : « Nous essayons de rester pertinents, s'il vous plaît, donnez-nous cinq ans de plus. »

Et ces licences de 50 ans ? C'est quasiment une éternité en termes de luxe. Aucune marque ne mise autant, à moins de quitter complètement le secteur.

Quand le patrimoine devient une charge excessive

Ce n’est pas la première fois qu’un groupe de luxe baisse les bras :

  • Stella McCartneyLa licence beauté de s'est relayée entre LVMH et des mains indépendantes.
  • Prada a laissé Puig gérer tout le développement des parfums avant d'essayer (et d'échouer) de le faire en interne.
  • Burberry, dans un moment de rare lucidité, a retiré son activité de parfumerie d'Interparfums en 2017 — et ses bénéfices ont grimpé en flèche.

Kering a fait l'inverse : il a quitté la seule division qui avait du sens… et l'a vendue.

Parce qu’il ne s’agit pas d’innovation.
Il s’agit de moins saigner.
Et j'espère que personne ne remarque le sang sous l'eau de toilette.

Notes finales (Base, pas Top)

Lorsque le descendant de la famille se retire et que le réparateur automobile prend la relève, la salle du conseil ne sent plus la créativité, mais plutôt l'atténuation des risques.

LVMH ne tremble pas vraiment dans ses mocassins Berluti, malgré son isolement total. Kering rattrape son retard tout en bradant ses plus belles prises.

Si c'est là l'avenir du luxe, que quelqu'un nous tende un flacon d'échantillon du passé. Nous prendrons la bouteille entière, scellée millésime, d'une époque où le luxe était synonyme d'art, d'artisanat et de leadership… et non de liquidation.



Envoyé de Paris, 4ème Arrondissement, France.