Chanel Printemps Été 2026

Chanel Printemps-Été 2026 par Matthieu Blazy « Le Ciel, la Lune et les Étoiles ». Article d'Eleonora de Gray, rédactrice en chef de RUNWAY MAGAZINE. Photo avec l'aimable autorisation de Chanel / David Bailey.

Les étoiles se sont alignées, littéralement et métaphoriquement, pour les débuts de Matthieu Blazy Chez CHANEL. Sous la coupole monumentale du Grand Palais à Paris, une constellation d'astres planait dans les airs, suspendue dans un ballet cosmique de couleurs, de lumière et d'ombres. Planètes, lunes et soleils tournoyaient doucement au-dessus d'un sol laqué noir réfléchissant, transformant cet espace historique en un univers de rêverie et de révélation.

Blazy, entrant dans sa collection inaugurale pour la Maison, a choisi de ne pas parler du temps mais de le suspendre. Dans ce spectacle, runway Ce n’était plus un chemin linéaire, c’est devenu une orbite, une étape cosmique, un rêve partagé. Le décor immersif faisait écho aux propres mots de Gabrielle Chanel : « J’aime tout ce qui est là-haut : le ciel, la lune, je crois aux étoiles. » Un sentiment exprimé non pas par une métaphore, mais par la matière : de grandes sphères brillantes de textures galactiques et de teintes solaires, projetant des reflets lumineux sur les invités en contrebas.

Ce n'était pas un simple défilé. C'était une cérémonie d'ascension, annonçant une nouvelle ère pour CHANEL, se voulant mythique, partagée et étrangement éternelle. Cette vision, mêlant précision française et abstraction poétique, laissait entrevoir l'esprit de collaboration qui allait sous-tendre la collection suivante : un dialogue entre les Métiers d'Art français et l'artisanat japonais, qui trouverait bientôt un écho à Tokyo. la Galerie du 19M.

Le message de Matthieu Blazy était clair dès le premier instant : ce serait un CHANEL qui rêverait avec le monde. Et la vue d'en haut ? Mais est-ce vraiment le cas ?

Faux intellect et intentions recadrées

La première partie de la première création de Matthieu Blazy pour CHANEL se déroule dans un esprit de carnet de croquis : les idées foisonnent, l'exécution est hésitante. Les cinq premières silhouettes oscillent entre ambition étudiante et vocabulaire d'atelier, sans pour autant atteindre la sérénité attendue de la Maison. Il y a du tailoring, certes : vestes courtes aux épaules carrées, pantalons plissés et jupes fendues sur les côtés, mais tout semble suspendu au milieu de la réflexion. La construction est épurée, mais l'âme ? Inachevée.

Ce qui était peut-être censé être une « sobriété contemporaine » relève davantage d'une « expérimentation académique ». Les proportions sont exagérées, mais manquent d'audace pour véritablement s'imposer. Les accessoires – boucles d'oreilles corail surdimensionnées, sacs matelassés métallisés – tentent d'insuffler une dimension narrative, mais finissent par parler plus fort que les vêtements eux-mêmes.

Le plus révélateur est la silhouette persistante : l'uniforme intellectualisé. Une série de vestes courtes sur des pièces discrètes, répétées comme une formule en attente d'approbation. Un look qui se veut un clin d'œil à l'héritage masculin-féminin de Gabrielle, mais qui s'incline plutôt devant le moodboard Pinterest des écoles de mode. Ce ne sont pas des looks finis, mais des concepts habillés de nobles intentions.

Gabrielle Chanel aurait-elle hoché la tête en signe d'approbation ou aurait-elle quitté le chemin en catimini ?

Ce qui est clair, c'est que le premier mouvement n'est pas tout à fait en harmonie. Il flirte avec les codes de CHANEL, sans jamais les imposer. Faux intellect, expérimentation prudente, et une question persistante : où est le raffinement ?

Et peut-être plus urgent encore : où est l’autorité ?

Quand la proportion devient parodie

Plumes, franges et proportions forcées dominaient ce chapitre, où les vêtements semblaient moins flatteurs que surpuissants. Une chemise d'homme classique était associée à une jupe à plumes rouge flamboyant – une idée qui aurait pu créer un contraste, mais qui a finalement créé un déséquilibre. Tailles oversize, tissus plastifiés et silhouettes gonflées perpétuaient le thème de la distorsion. Même les codes sacrés de CHANEL – vestes en tweed, palettes noir et blanc – étaient rendus par des traitements caricaturaux et chargés de contours, comme si quelqu'un avait retracé les croquis de Coco au marqueur noir et qualifié le tout de moderne.

Chaque look semblait poser la même question : et si on l’agrandissait ? Le problème n’était pas la taille, mais la fonction. Les épaules larges et les manteaux volumineux ne créaient pas de puissance, ils la diluaient. Les mannequins, aussi anguleux soient-ils, étaient encombrés de jupes lourdes et de coupes bouffantes qui engloutissaient le mouvement et masquaient l’élégance. Si tentative de déconstruction il y a eu, elle s’est perdue dans la traduction. Au lieu de cela, ces looks sont devenus des costumes – astucieux en théorie, mais irrésolus en réalité.

Et voici l’ironie : La plupart de ces looks sont portés par des mannequins minces et élancées, et pourtant, les vêtements les déforment en quelque chose de complètement différent. Pas seulement surdimensionnés, mais gonfléLes cuisses se dilatent. Les épaules gonflent. Les silhouettes s'effondrent sous leur propre poids conceptuel.

S'agit-il d'un commentaire ? D'une rébellion ? Ou simplement d'une erreur de proportion ?

Ce qui est sûr, c'est que l'héritage de CHANEL s'est construit sur la libération – de la forme, du mouvement, de la modernité. Ces looks ? Ils emprisonnent. Non pas les femmes, mais les idées. L'oversize devient surchargé. Les codes iconiques deviennent costumes.

Et quand une veste CHANEL ressemble à un dessin animé, on se demande qui est exactement dessiné.

Matthieu Blazy troque l'élégance contre l'exagération, et pas toujours intentionnellement. Les silhouettes se gonflent, se déforment et virent à la satire. De la chemise de banquier maladroitement associée à une jupe en plumes volcaniques au tailleur en tweed sacré de CHANEL, dessiné comme un dessin animé, les vêtements semblent plus soucieux d'être intelligents que beaux.

Ce qui aurait dû célébrer le volume et la fantaisie s'effondre sous le poids théâtral. Les mannequins, élancés et posés, paraissent maladroits, larges, parfois même maladroits, non par leur présence, mais par les vêtements qui les enveloppent.

Ici, surdimensionné n'est pas synonyme de confort ou de liberté. C'est disproportion comme affirmation, mais qui n'a jamais abouti. Les codes de CHANEL sont présents – tweed, perles, passementerie – mais filtrés à travers le prisme de la parodie. Les vestes deviennent des caricatures. Les jupes deviennent des obstacles.

Que se passe-t-il lorsque le concept dépasse l’artisanat ?

Quand les silhouettes sont construites pour aliéner le corps plutôt que de l’élever ?

Une galaxie de références, un vide de direction

runway Le défilé est devenu un patchwork d'impulsions – rayures, plumes, motifs floraux, mailles – sans lien entre elles, et encore moins narratif. Aucun fil conducteur, aucune silhouette ne guidait le regard. Au lieu de cela, le défilé s'est dissous en une série de vêtements vaguement connectés, chacun appartenant à une collection, un moodboard ou un pays différent.

Les textures chaudes, inspirées de la maille, semblaient tout droit sorties des catalogues des grandes enseignes britanniques : sûres, sentimentales et totalement déconnectées de l’héritage urbain de CHANEL ou de la rigueur française. Ailleurs, les fleurs étaient dispersées comme des confettis, joliment isolées, mais dénuées de toute intention éditoriale. Un pull doux était associé à une jupe flamenco à volants, un tartan transparent sur une combinaison à micro-imprimé, et des fils métalliques se disputaient des silhouettes rigides pour donner une impression « artisanale ». Mais même la broderie, habituellement un motif de fierté pour la Maison, semblait ici sans but précis, comme si l’atelier n’avait reçu d’autre objectif que « décorer ».

Ce qui aurait dû être un crescendo ressemblait plutôt au dénouement d'une collection jamais véritablement commencée. Il n'y avait pas de final, juste une lente dispersion de signaux esthétiques, vacillant et s'estompant comme des étoiles trop éloignées de leur propre constellation.

Les débuts de Matthieu Blazy pour CHANEL promettaient une vision céleste – quelque chose d'universel, d'intemporel, partagé sous les étoiles. Ce qui s'est déroulé, en revanche, était une collection affranchie de l'attraction gravitationnelle de la Maison. Il y avait des références, oui, beaucoup. Les coupes masculines de Coco, l'irrévérence baroque de Lagerfeld, et même des clins d'œil à l'artisanat japonais et à la douceur britannique. Mais les références seules ne font pas une collection. Sans cohésion, sans logique de silhouette ni crescendo stylistique, il ne reste qu'un catalogue de gestes – certains charmants, beaucoup irrésolus.

Le défilé oscillait entre concept et costumes, des tailleurs boursouflés aux mailles informes, des tweeds aux finitions caricaturales aux imprimés floraux disparates. Même le savoir-faire, pilier de l'héritage de CHANEL, était terni par l'indécision. Les broderies semblaient appliquées, non incrustées. Les coupes, notamment celles des vêtements d'extérieur, s'opposaient au corps au lieu de le sublimer. Et dans une maison si historiquement liée à la libération des silhouettes féminines, cela ressemblait à une trahison au ralenti.

Qualifier cette collection d'inachevée serait généreux. Elle a été désassemblée avant même d'avoir trouvé sa structure. Pour une marque fondée sur la précision, l'innovation et des codes éternels, il ne s'agissait pas d'une réinvention, mais d'une dissonance. Une galaxie d'idées dispersées à travers un runway, sans orbite pour les maintenir en place.

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Envoyé de Paris, 8ème Arrondissement de Paris, France.